Le 28 mai 2025, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : six minutes.


ITER : achèvement de l’aimant le plus puissant du monde, une étape clé pour la fusion nucléaire

Recherche et développement en énergie

La construction du réacteur expérimental de fusion nucléaire ITER a franchi une étape majeure avec la finalisation du dernier module de son aimant supraconducteur, le plus puissant jamais conçu. Ce jalon essentiel rapproche le projet international de son objectif : maîtriser une énergie propre, sûre et quasi-inépuisable, inspirée du fonctionnement des étoiles. Malgré des retards et surcoûts, la collaboration mondiale reste déterminée à faire de la fusion une réalité énergétique.


La construction du réacteur expérimental de fusion nucléaire ITER a franchi une étape « majeure » avec la finalisation du dernier module de ce qui doit constituer l’aimant « le plus puissant du monde », a annoncé la collaboration internationale. Cette annonce, datée du 30 avril 2025, marque un jalon décisif pour ce projet ambitieux, dont l’objectif est de reproduire sur Terre le processus de fusion nucléaire, source d’énergie des étoiles.

ITER, acronyme signifiant en latin « le chemin », promet une énergie propre, sûre, peu coûteuse et quasi-inépuisable. Le principe repose sur la fusion de noyaux d’atomes dérivés de l’hydrogène, un processus qui libère une quantité considérable d’énergie. Pour provoquer cette fusion, il est nécessaire d’atteindre des températures avoisinant les 150 millions de degrés Celsius et de générer de gigantesques champs magnétiques capables de confiner un plasma, un gaz chaud électriquement chargé. C’est précisément pour cette tâche que le système magnétique du réacteur est crucial.

Le système magnétique au cœur du réacteur est composé de plusieurs ensembles de bobines électromagnétiques. Le dernier élément de ce système complexe, un des six modules composant le « solénoïde central », vient d’être achevé aux États-Unis. Comme l’a souligné Alain Bécoulet, directeur scientifique du projet, l’ensemble de l’aimant ITER est désormais fabriqué. Une fois totalement assemblé à Saint-Paul-Lez-Durance, dans les Bouches-du-Rhône, le solénoïde central, avec un poids de 1 000 tonnes et une hauteur de 18 mètres, deviendra l’aimant supraconducteur « le plus puissant du monde ». Il sera capable de produire un champ magnétique de 13 teslas, soit 280 000 fois plus puissant que le champ magnétique terrestre, une force qui le rendrait capable de « soulever un porte-avions » hors de l’eau.

Ce projet d’envergure est le fruit d’une collaboration internationale sans précédent, réunissant l’Union européenne, les États-Unis, la Chine, la Russie, la Corée du Sud, le Japon et l’Inde. Pietro Barabaschi, directeur général d’ITER, a salué cette « coopération internationale » qui a permis de soutenir le projet « malgré l’évolution des contextes politiques ». Cette entente, malgré les tensions géopolitiques mondiales, souligne l’importance stratégique accordée à la maîtrise de la fusion nucléaire pour l’avenir énergétique de l’humanité.

Cependant, le chemin vers l’énergie de fusion n’est pas sans embûches. Depuis son lancement officiel en 2006, le projet ITER a connu d’importants retards. Un surcoût d’environ 5 milliards d’euros a été annoncé par la collaboration l’été dernier. La première étape scientifique cruciale, la production du premier plasma, initialement prévue pour 2025, a été reportée à au moins 2033. L’arrivée au stade d’énergie magnétique complète, c’est-à-dire l’obtention stable de la pleine puissance nécessaire au fonctionnement futur du réacteur, est désormais attendue en 2036. Malgré ces délais et ces défis financiers, la finalisation de l’aimant supraconducteur représente une avancée technique majeure et un signe tangible de la progression du projet ITER vers son objectif ultime : offrir une nouvelle source d’énergie pour les générations futures.

Un premier sommet mondial sur l’IA et la fusion nucléaire en mars dernier

Le mois de mars 2025 avait marqué une étape significative dans la course à l’énergie de fusion, avec la tenue du premier « Fusion Summit » organisé par Microsoft Research. Cet événement inaugural a rassemblé des figures éminentes du monde scientifique et technologique pour examiner comment l’intelligence artificielle peut catalyser les progrès dans la recherche sur la fusion nucléaire, cette technologie qui reproduit le processus énergétique au cœur du soleil pour fournir une source d’énergie propre et virtuellement inépuisable.

Ashley Llorens, vice-président de la recherche chez Microsoft Research Accelerator, a inauguré le sommet en présentant sa vision d’un système auto-renforcé où l’IA serait un moteur essentiel de la durabilité. Sir Steven Cowley, directeur du Princeton Plasma Physics Laboratory et ancien dirigeant de l’UK Atomic Energy Authority, a détaillé la complexité scientifique et technique des réacteurs de fusion, soulignant l’impératif d’une collaboration internationale et de la puissance combinée de l’IA et du calcul haute performance pour la modélisation des futurs réacteurs.

Le programme national américain de fusion DIII-D, géré par General Atomics, illustre parfaitement l’application concrète de l’IA à la recherche sur la fusion. Grâce à sa plateforme de données et à son « jumeau numérique » (digital twin), DIII-D a démontré des applications révolutionnaires : le contrôle actif du plasma pour prévenir les instabilités, l’utilisation de trajectoires contrôlées par l’IA pour éviter les modes de déchirement, et la mise en œuvre d’un contrôle par rétroaction basé sur des limites de densité dérivées de l’apprentissage automatique pour des opérations à haute densité plus sûres.

Un défi majeur dans la conception des réacteurs réside dans la fabrication de la « première paroi » interne, qui doit résister à des chaleurs extrêmes et aux bombardements de particules. Zulfi Alam, vice-président de Microsoft Quantum, a mis en lumière le potentiel du calcul quantique pour relever ces défis matériaux, notamment la diffusion de l’hydrogène dans les réacteurs. Il a évoqué le nitrure de silicium comme barrière prometteuse et l’importance du calcul quantique pour améliorer la prédiction et la synthèse des matériaux. Ses équipes étudient également des matériaux avancés à base de nitrure de silicium pour protéger ce composant critique des dommages causés par les neutrons et les particules alpha, une innovation qui pourrait rendre la fusion commercialement viable.

Les « présentations éclair » (lightning talks) des laboratoires de Microsoft Research ont exploré diverses applications de l’IA, allant de l’utilisation de l’IA de jeu pour le contrôle du plasma à la robotique pour la maintenance à distance, en passant par l’IA informée par la physique pour simuler le comportement des matériaux et du plasma. Archie Manoharan, directeur de l’ingénierie nucléaire pour les opérations et infrastructures cloud de Microsoft, a souligné la nécessité d’une stratégie énergétique globale, intégrant les énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité, les solutions de stockage et les sources sans carbone comme la fusion.

Le sommet s’est conclu par une table ronde modérée par Ade Famoti, réunissant Archie Manoharan, Richard Buttery, Steven Cowley et Chris Bishop, directeur de Microsoft Research AI for Science. Les discussions ont porté sur les défis et opportunités clés du domaine : les nouveaux cadres réglementaires, l’importance de la découverte de matériaux durables pour les parois des réacteurs, et le rôle transformateur de l’IA dans l’optimisation du plasma et la modélisation de la physique sous-jacente.

La collaboration mondiale a été mise en avant, avec des projets comme le Réacteur Thermonucléaire Expérimental International (ITER) en France, considéré comme un banc d’essai pour le progrès partagé. Microsoft collabore déjà avec ITER pour faire avancer les technologies et infrastructures nécessaires à l’allumage de la fusion, via des outils comme Microsoft 365 Copilot, Azure OpenAI Service, Visual Studio et GitHub. Plus récemment, Microsoft Research a signé un protocole d’accord avec le Princeton Plasma Physics Laboratory pour renforcer la collaboration par l’échange de connaissances, des ateliers et des projets de recherche conjoints, ciblant des défis clés en fusion, matériaux, contrôle du plasma, jumeaux numériques et optimisation des expériences.

La fusion représente un défi scientifique sans précédent, potentiellement la clé d’une énergie durable. Le rôle de l’IA est envisagé avec enthousiasme pour concrétiser cette vision d’un avenir énergétique propre et illimité.


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Fusion nucléaire, tokamak, plasma, aimant supraconducteur, ITER

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