Le 11 mars 2025, par Urbanitas.fr. Temps de lecture : cinq minutes.


55 000 logements menacés par le recul du trait de côte méditerranéen d’ici 2100

Aménagement du littoral et risques climatiques

Le littoral méditerranéen, espace attractif comptant 3,3 millions d’habitants, pourrait voir 55 000 logements menacés par le recul du trait de côte d’ici 2100. Face à cette réalité, la Cour des comptes a dénoncé fin janvier une réaction en ordre dispersé des collectivités territoriales. Depuis les années 1980, face à l’attractivité croissante des zones côtières françaises, les dispositions légales et réglementaires, dont au premier chef la loi littoral, tentent d’établir un équilibre délicat entre développement urbain et protection des espaces naturels sensibles.

© Urbanitas, 2025

Dans un rapport publié le 24 janvier 2025, la Cour des comptes alerte sur la vulnérabilité des territoires du littoral méditerranéen français face aux risques liés à la mer et aux inondations, qui seront amplifiés par le changement climatique.

L’enquête, menée conjointement par les chambres régionales des comptes de Corse, de Provence-Alpes-Côte d’Azur et d’Occitanie, concerne un espace côtier s’étendant sur près de 1 700 km, soit un tiers des côtes métropolitaines françaises. Ce territoire, qui abrite actuellement 3,3 millions d’habitants et devrait connaître une croissance démographique de 13% d’ici 2050, est particulièrement exposé aux aléas maritimes et aux inondations.

Selon les données du Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema), plus de 55 000 logements seraient menacés par le recul du trait de côte d’ici 2100, dont près de la moitié en Occitanie. Plus d’un tiers des 35 territoires recensés comme « à risque important d’inondation » en France métropolitaine se trouvent sur cette côte.

La Cour des comptes déplore que ces risques ne soient pas suffisamment pris en compte dans les politiques d’aménagement des collectivités territoriales. Elle note que « le sentiment d’exposition à la menace des habitants du littoral, comme parfois celui des élus, reste insuffisant » et que l’évaluation du coût économique de ces risques demeure imprécise.

Les collectivités locales ont réagi « en ordre dispersé », souvent en « minorant les effets » et en « faisant prévaloir des intérêts immédiats sans réflexion sur le long terme », selon la chambre régionale des comptes d’Occitanie. Le rapport souligne également un manque de coordination entre l’État et les acteurs locaux, jugeant insuffisants les plans de prévention des risques littoraux.

L’impact financier de ces phénomènes est déjà considérable : entre 1989 et 2019, le coût annuel moyen des sinistres liés aux inondations a atteint 59,9 millions d’euros dans le Gard, 55,6 millions d’euros dans les Alpes-Maritimes et 53,8 millions d’euros dans le Var, contre une moyenne nationale de 8,6 millions d’euros par département.

Protéger les littoraux : la loi Littoral et sa postérité

Adoptée le 3 janvier 1986, la loi Littoral constitue le fondement juridique de la protection et de l’aménagement des côtes françaises. Ce dispositif législatif répond à l’anthropisation croissante de ces zones à la fois attractives et écologiquement fragiles, par l’instauration de principes d’urbanisation maîtrisée.

Le socle législatif repose aujourd’hui encore sur la loi no 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (dite loi Littoral), complétée par son décret d’application de 1989. La loi d’orientation agricole de 1999 est venue nuancer certaines de ses dispositions (principes énoncés par l’article L.146-4 du Code de l’urbanisme), notamment pour les constructions liées aux activités agricoles et forestières, en dehors des espaces proches du rivage.

Plus récemment, la loi ELAN (loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique) de 2018 a apporté des ajustements significatifs au dispositif initial.

La loi littoral s’articule autour de trois principes majeurs. Premièrement, l’extension de l’urbanisation doit se réaliser en continuité des agglomérations et villages existants pour limiter le mitage (l’éparpillement des zones d’activité) sur le paysage côtier. En deuxième lieu, dans les espaces proches du rivage, l’urbanisation est strictement limitée et doit être justifiée par des critères spécifiques liés à la configuration des lieux ou aux nécessités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Enfin, une bande littorale de 100 mètres depuis le rivage est déclarée inconstructible pour protéger les zones les plus sensibles.

La législation impose par ailleurs la préservation des espaces remarquables et des coupures d’urbanisation pour éviter un front bâti continu le long des côtes.

La loi ELAN de 2018 a introduit plusieurs assouplissements à ce cadre normatif, notamment la possibilité pour les Plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) de délimiter des secteurs déjà urbanisés en dehors des agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale (SCoT). Dans ces secteurs, certaines constructions peuvent être autorisées pour améliorer l’offre de logement ou implanter des services publics, hors bande littorale des 100 mètres et espaces proches du rivage.

L’application concrète de la loi Littoral passe ensuite par son intégration dans les documents d’urbanisme, dont les plans locaux d’urbanisme (PLU). Les PLU et PLUi doivent justifier la prise en compte des enjeux littoraux dans leur rapport de présentation, notamment en évaluant la capacité d’accueil du territoire. Cette évaluation considère les coûts collectifs, les risques naturels, la fragilité des espaces naturels et les ressources locales.

Le règlement du PLU doit notamment prévoir le classement en espaces boisés des parcs et ensembles boisés significatifs, l’identification des coupures d’urbanisation, et garantir le libre accès du public au rivage.

Projections du Cerema pour 2028

En avril 2024, une étude du Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) avait déjà alerté sur le risque lié à l’implantation d’habitations côtières face au réchauffement climatique. Selon l’étude, près d’un millier de bâtiments pourraient être touchés par l’érosion côtière d’ici 2028 sur l’ensemble des littoraux de l’hexagone, dont plus de 600 logements et 190 locaux commerciaux, représentant une valeur de 240 millions d’euros.

Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de l’époque, M. Christophe Béchu, avait alors souligné l’importance d’anticiper ce phénomène : « Une réflexion doit être menée pour mesurer et organiser dès à présent la solidarité nationale afin d’anticiper collectivement des effets potentiellement déstabilisants du changement climatique sur nos littoraux ». Un troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), dans le scénario d’un réchauffement mondial estimé à 1,5 °C en 2030, a été présenté par l’ancien ministre en octobre dernier.

À l’horizon 2050, prévoyait également un risque pour quelque 5200 logements, pour une valeur estimée à 1,1 milliard d’euros, et 1400 locaux d’activité évalués (120 millions d’euros). Sans mesures d’adaptation, les perspectives pour 2100 étaient là aussi alarmantes : sur la France entière, 450 000 logements (86 milliards d’euros), 55 000 locaux d’activités (8 milliards d’euros), 10 000 bâtiments publics, 1800 km de routes et 240 km de voies ferrées pourraient être impactés par le recul du trait de côte. Ces estimations se basaient sur un scénario du GIEC prévoyant une hausse possible d’un mètre du niveau des mers et des océans.


Urbanitas.fr


Ressources complémentaires

Ressource : L’aménagement du littoral méditerranéen face aux risques liés à la mer et aux inondations (ccomptes.fr)

Texte de référence : Rapport. L’aménagement du littoral méditerranéen... [PDF] (ccomptes.fr)

Ressource : Centre d’études et d’expertise sur les risques, la mobilité et l’aménagement (Cerema) (cerema.fr)

Texte de référence : Code de l’urbanisme. CHAPITRE VI : Dispositions particulières au littoral. (Articles L146-1 à L146-8) (legifrance.gouv.fr)

Texte de référence : Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (1) (legifrance.gouv.fr)

Ressource : Loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (ecologie.gouv.fr)

Ressource : Présentation du Plan national d’adaptation au changement climatique (ecologie.gouv.fr)

Texte de référence : LOI n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (legifrance.gouv.fr)

Ressource : Loi portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique (Elan) (ecologie.gouv.fr)

Ressource : La loi Littoral et les constructions agricoles depuis la loi ELAN (lgp-avocats.fr)


Ressource : Littoraux : une adaptation nécessaire au changement climatique (vie-publique.fr)

Ressource : Droit et littoral (geoconfluences.ens-lyon.fr)

Notions et normes liées

Littoral méditerranéen, Cour des comptes, changement climatique, risques naturels, érosion côtière, inondations, aménagement du territoire, Cerema, collectivités territoriales, prévention des risques.

Droit de l’urbanisme, Code de l’urbanisme, espaces naturels remarquables, Schéma de cohérence territoriale (SCoT), Plan local d’urbanisme (PLU), Loi ELAN, développement durable, protection de l’environnement, littoral français.


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